Il n'y avait rien à sonder dans l'espace abstrait où leurs âmes se retrouvaient; pas de mensonge sous couvert de protection, juste une honnêteté presque cruelle pour celui qui s'était imaginé mille fois cet instant. La faute à pas de chance et Taeho se créait un masque par orgueil, volontairement amnésique du fait qu'elle pouvait le lire comme un livre ouvert. Les mains nouées sur ses cuisses, il écrasait la gomme de sa semelle contre le lino tandis que ses mots l'abandonnaient. « okay, cool », une concession faite de sarcasme et de défaite, et Taeho ne pouvait que fuir son regard de peur d'être hanté par son indifférence. Une lente amertume s'emparait de ses tripes, le laissant vibrant dans sa peau face à son impuissance. Il fallait être deux, là aussi, pour que tout fasse sens, et qu'elle ne lui donne aucune chance menaçait de le rendre fou. « je sais pas...par décence?» pesta-t-il, bien qu'elle ne lui doive absolument rien. Bon sang, et dire qu'il allait devoir passer le reste de sa vie à prétendre d'avoir jamais trouvé son âme sœur, incapable de vivre avec la honte d'admettre que cette dernière ne lui avait porté aucun intérêt. Mais la beauté d'un mensonge, c'est qu'on finit parfois par y croire.

@pyo bomin

Les regards sont fuyants, désespérés de trouver une ancre pour les sauver. Taeho s'attarde, impose sa présence par désespoir et acharnement, et il sent bien qu'il agace plus qu'il n'intrigue. Il n'était pas réellement sûr de ce qui l'empêchait de fuir, si ce n'est l'espoir insensé de gagner quelque chose de cette conversation; n'importe quoi. Pourtant, la sentence était tombée, et rien dans ses traits, ses paroles ou ces foutus sentiments relayés dans sa poitrine ne laissaient présager à un retournement de situation. « j'imagine que non » concéda-t-il après un battement. Qu'est ce qu'un prénom ou une bribe d'information lui apporterait si ce n'est un sujet d'obsession et de regrets. Il avait un visage, et ça allait déjà le suivre un bon moment. Une dernière réponse alors, un dernier soupir avant de s'extirper de sa vision et de sa vie comme un mauvais présage. « je pensais que ça serait forcément une relation spéciale», toute une certitude devenue bancale, presque immature, face à la réalité. « le genre qui rend un peu la vie meilleure », et c'était égoïste de poser toutes ces attentes sur quelqu'un. « je sais, c'est naïf », idiot surtout, et Taeho ressent enfin l'urgence de sauver le peu d'estime qu'il lui reste. « Désolé pour le café. Je t'en offrirai bien un autre, mais j'imagine que tu préfères surtout que je m'en aille », un sourire dépréciatif; il tente de ne pas lui en vouloir.

@pyo bomin

Une porte ouverte si subitement que l’on ne pouvait que sursauter sous le claquement de sa fermeture, toute aussi soudaine. Taeho savait reconnaître une drôle forme d’apathie s’emparer de ses membres tandis qu’il s’efforçait de limiter la connexion involontaire entre lui et son interlocutrice. Tandis qu’il essayait de prendre de la distance sur ses propres émotions; l’amertume et l’échec lourds dans sa poitrine. Il savait que ce moment reviendrait le hanter plus tard lorsque, livré à lui-même, ses pensées allaient analyser chaque aspect de cette interaction dans l’espoir d’en trouver une faille. Une tentative qui serait vaine. La réalité était là, tranchante et palpable face à lui, et il allait falloir qu’il s’y fasse. Après tout, des tas de personnes vivaient sans jamais trouver leurs soulmates. D’autres encore, à l’image de la jeune femme face à lui, se moquaient de ce coup du destin et semblaient s’en sortir très bien. Mais Taeho était un homme de routine, et se défaire de ses idéaux allait prendre du temps. Il s’apprêtait à partir lorsqu’elle lui offrit une forme de clémence. Était-ce pire, de quoi attiser des braises condamnées? Ou mieux, de quoi adoucir la chute de cette scène? Il n’en savait rien, mais un sourire discret étira ses lèvres alors qu’elle évitait son regard. Sans un mot, il se dirigea au comptoir. Noir, avec du sucre. Une boisson déposée sur la table; un cessez-le-feu. Un au revoir.

@pyo bomin