Une douleur vive et il se savait privilégié. Des recherches google non assumées, une question innocente délivrée à plus chanceux que lui, des récits de grande histoire d'amour relayés sur différents médias : taeho savait ce qui était en train de se passer, et la surprise se manifesta par un cœur qui s'emballe et un geste maladroit. Le café brûlant le percuta en même temps que le mantra de soulmate, soulmate, soulmate se diffusait crescendo dans le confinement de son esprit. Des années à croire en silence qu'une personne lui était dédiée et l'univers lui faisait enfin un signe. Les précautions et les doutes qui étaient de mise, il les ignorait, trop pressé de se retourner pour faire face à la salle. Terriblement facile à trouver, bondissant de sa chaise et le dévisageant déjà dans une stupéfaction qui faisait écho à la sienne, elle était là. Ce n'est que la voix de l'employée derrière lui et la poignée de serviette en papier qu'elle lui fourra sous le nez qui l'arracha de sa contemplation. Il baissa le regard sur son pantalon ruiné, soudainement conscient du regard des gens autour de lui et de l'embarras de la situation. Il débattait du mérite de filer dans les toilettes le temps de reconstruire son orgueil et son apparence, mais pouvait-il risquer qu'elle disparaisse? Non. Il s'approcha. « pardon...tu as senti ça? », autant être sûr.

Appréhension, curiosité, une pointe d'espoir un peu honteuse; rien de bien négatif. Alors la déception qui résonnait entre ses côtes, il n'en avait pas la responsabilité. Il ne fallait que le regard critique balayé de haut en bas sur sa personne pour confirmer le jugement qui était en cours. Un visage qui se défendait mais une silhouette enveloppée d'une banalité terne et affamée. Sans doute pas l'idéal masculin. Certainement pas le sien. Et Taeho n'aimait rien de moins que les jugements hâtifs, que l'arrogance d'une élite, que d'être confronté à l'image de ses nombreux choix malavisés. Il lui renvoya un regard plat, la bouche tordue en un rictus mauvais, avant de se pincer soudainement et brutalement l'avant-bras dans une satisfaction vengeresse de la voir réagir.

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Il était à l'affût, incapable d'ignorer la tension dans sa mâchoire et la pression de ses phalanges contre la table. Elle se voulait presque impassible, dédiée à son acharnement et Taeho se sentit soudainement honteux et minable de lui infliger ça; tel un gamin vexé qui n'a pas encore appris à utiliser ses mots plutôt que ses poings. Il ne pouvait pas la forcer à reconnaître le lien qui semblait les unir, pas plus qu'il ne pouvait taire sa déception grandissante. Retour à la réalité. Il soupira sous sa provocation, maugréant une excuse avant de tirer la chaise devant lui pour s'asseoir face à elle. « de quoi tu as peur? », tu n'es pas curieuse qu'il voulait s'exclamer. Typique des gens qui semblaient tout avoir d'être capable de rejeter une telle opportunité, même la plus platonique soit-elle.

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Un cessez-le-feu pour une guerre qui n'a pas commencée, la jeune femme se replace, majestueuse, face à lui. Ses gestes travaillés lui rappellent qu'il n'a plus de café derrière lequel rassembler ses armes - sacrifié pour rien - et c'est avec malaise qu'il prend conscience de la texture désagréable et moite du liquide froid sur ses vêtements. Elle lui renvoi sa question et Taeho sourit sans humour. « j'ai demandé en premier », conciliant mais lassé face aux charades qui se jouent sous ses yeux. « la plupart des gens sont heureux de savoir qu'ils ont un soulmate ». Voilà c'était dit, le mot interdit ou révérencieux; un raccourci pour ce qui devenait une interaction des plus pénibles. Sa raison était sienne mais Taeho la convoitait avec arrogance. Il savait pourtant le pouvoir de la chose; capable de briser des familles et des vies. A moins qu'il ne s'agisse que d'un simple esprit de contradiction. La peur du changement, aussi banale soit-elle.

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une question perdue entre légitimité et cynisme, le confrontant à ses idéaux les plus secrets. Il se sentait idiot soudainement, cherchant le grain de la table sous ses yeux plutôt que de s'abaisser à parler de dévotion ou d'éternité. Mais certains ne passaient-ils pas des vies entières à se courir après? Il hausse les épaules. « pourquoi tu ne le serais pas », il s'empare de sa tactique à elle, un vol anodin comparé aux sentiments étrangers se logeant sous sa peau.  « tu en as une si mauvaise opinion que tu m'aurai laissé partir sans même me demander mon nom ? », les yeux ébahis sous l'énigme devant lui, feutrée d'indifférence. Peut-être que dans une autre vie, elle lui aurait échangé sourire et introduction pour le sacrifice de son épiderme. Peut-être que dans une autre vie, c'est lui que l'on aurait autorisé à être désinvolte; capable de tourner le dos sans regret pour lui obstruer la gorge.

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