L’esprit encore embué, Ilwoo se força à ouvrir les yeux et regarda les alentours. Il ne savait pas où il était ni comment il était arrivé jusqu’ici.
Il se souvenait simplement avoir trop bu et s’être battu sur le chemin du retour. En revanche, il ne savait pas s’il avait gagné ou perdu. De toute évidence, le goût âpre et métallique du sang dans le fond de sa gorge, indiquait clairement qu’il n’était pas ressorti indemne de cette bagarre. Mais au moins, il avait réussi à survire. Et c’est tout ce qui comptait.
Incapable de bouger, il tenta tant bien que mal de se lever, mais s’échoua aussitôt de douleur sur le lit. Il avait mal. Tellement mal. Et il eut l’impression de faire un effort surhumain lorsqu’il essaya de se recoucher sur le dos.
Putain, hurla-t-il d’une voix irritée. Est-ce qu’il y a quelqu’un ? J’ai besoin d’aller à l’hôpital !
Ilwoo savait pertinemment qu’il n’était pas seul. Après tout, il ne serait jamais parvenu par lui même, et surtout dans son état, à venir dans cette chambre qui ressemblait, à mesure qu’il ouvrait les yeux, de plus en plus à une chambre d’hôtel.
Soudain, il sentit comme une odeur. Une senteur presque imperceptible, mais qu’il avait déjà sentit, plus tôt, dans la moiteur de la nuit.
Un mélange exquis de grains de café et de fleurs blanches. Une odeur fraîche et intense, qui selon lui, lui convenait à merveille.
Aussi, songea-t-il à Aori.
Il savait que c’était son parfum. Il l’avait humé tant de fois dans le creux de son cou ; sur sa peau ; et même sur sa bouche. Il ne pouvait pas se tromper. À présent, il en était presque certain. Elle l’avait sauvé.
Mais pour quelle raison ? Il n’en savait rien. Car après toutes les horreurs qu'il lui avait dites et faites, il ne méritait pas sa compassion ni même son affection.
Il ne méritait rien d’elle. Pas un mot. Ni même un regard.
Et pourtant…
Et pourtant ces deux dernières semaines, il n’avait pas cessé de la chercher dans ses rêves et même ses pensées.
Aori ? C’est toi ? Je sais que tu es là. Montre… montre-toi, articula-t-il avec peine. Pourquoi est-ce que… Je ne comprends pas. A ta place, je ne t’aurais pas sauver. Tu aurais du me laisser dans la rue. Au moins je n’aurais pas eu à subir ça.
L'humiliation.

Illusions,

La pluie perle contre son visage. Ses cheveux deviennent rapidement humides, et bientôt c’est toute sa peau qui se retrouve ensevelie sous l’eau. Aori soupira, songeant à la veille. Tout avait été si rapide qu’elle n’avait pas franchement réfléchi à la situation quand ses yeux avaient rencontré le corps inanimé d’Ilwoo - - l'hôtel n’était pas un choix judicieux avec toutes les plaies ouvertes et la silhouette abîmée de l’homme, pourtant c’était bien là qu’elle l’avait emmené, hurlant au personnel de prendre sa carte afin de faire l’achat de quelques bandages, de désinfectant et ce qu’ils jugeaient utiles. Loin d’être inhumaine, Aori sait plus que quiconque ce qu’il en coûte, dans ce milieu de luxe, d’être frappé à sang et de se rendre à l'hôpital ; et même si le risque est gros, incertaine de son état, elle ne s’est pas risqué à le mettre dans une mauvaise posture auprès de ses parents ou des médias, qui se ferait une joie de détruire son image. « Ash, qu’est-ce que j’ai fait ? » souffle-t-elle en frottant son visage, embarrassée. Qu’est-ce qui lui avait pris d’être une âme si charitable ? Il y a quelques semaines, il jurait contre sa vie s’ils se recroisaient, et voilà qu’elle le sauve, passant sa nuit à lui faire des soins. Elle ne comprend pas.

La voix de l’homme résonne à travers la porte de la salle de bain, et Aori sursaute en entendant son prénom. Après s’être habillée, elle sèche ses cheveux et reste silencieuse, écoutant simplement les plaintes qui chatouillent ses oreilles. Comment a-t-il pu la reconnaître ? Sa poitrine palpite à nouveau - encore à cause de lui. C’est étrange, la sensation que ça provoque en elle à chaque fois qu’elle pense à Ilwoo, mais elle se doit d’être impassible devant lui. Après tout, elle l’a peut-être sauvé, mais elle le déteste toujours. « C’est l'hôpital qui vient à toi. J’ai demandé à mon médecin d’être le plus discret possible et de faire le déplacement. » annonça-t-elle en sortant de la douche. Lentement elle se dirige vers la grande glace de la chambre et sort son maquillage. « Ne me remercie pas. Je ne l’ai pas fait parce que c’était toi. » Ombre à paupière installé, elle se retourne et confronte son visage entaché avec presque autant de peine que le son de sa voix. « Disons simplement que j’ai la conscience tranquille. Alors… Ne t’en veux pas à ce sujet. Je me moque de la façon dont tu me regardes et je ne suis pas du genre à faire du chantage. Reste comme avant, même si ça implique que tu sois un connard. » Elle n’est pas certaine de ce qu’elle cherche à faire. Est-ce qu’elle le rassure ? Elle hausse les épaules et prend son mascara. « Mais j’en prends bonne note, quand tu dis que tu ne l’aurais pas fait à ma place. » Sourire aux lèvres, elle lève les yeux au ciel. Ça n'a rien d'étonnant venant de lui. « Au fait, comment as-tu su que c’était moi ? Toutes mes affaires étaient dans la salle de bain avec moi. » demande-t-elle suspicieuse.

feat. @Yi Ilwoo