Au petit matin, Hana avait quitté l’appartement de Insoo pour rejoindre celui de Insu. Elle avait enfilé rapidement sa robe et son manteau et enjambé le petit corridor qui séparait les deux logements. À moitié gelée, elle avait enfoncé la porte d’entrée et s’était empressée de le rejoindre au lit. Insu dormait encore. Il dormait à point fermé. Allongée à ses côtés, elle se surprit à l’observer dormir. Elle contemplait avec attention son visage endormi, rêvant parfois d’y faire glisser ses doigts. Mais Hana n’en avait pas le droit. Elle n’avait pas cette place. Elle n’était ni plus ni moins que son amie. Et à certains moments, c’était un rôle difficile à supporter. Insu, chuchota-t-elle dans le creux de son oreille. C’est l’heure de se réveiller, hurla-t-elle comme une forcené cette fois-ci. Brusquement, elle se leva et se mit à sauter sur son lit, faisant voltiger tout ce qui se trouvait aux alentours. Debout là-dedans ! J’ai plein de choses à te raconter ! Tu ne devineras jamais ce qu’il s’est passé ! In Su, allez ! Bouge-toi !

Aux pays des rêves, le sommeil devient profond et précieux. S'il dort à poings fermés, c'est que pour une fois il a su chasser les démons, trop occupé à chercher quel voisin pouvait bien avoir rendez-vous avec la meilleure amie, précieuse confidente et complice depuis des années. Et puis il avait le coeur piqué et desséché d'une passion envolée trop rapidement, inconnue dont le nom lui échappait encore. Alors au bout des petites heures du matin il avait enfin réussi à s'endormir. Il ne se doute pas que la blonde a trouvé refuge dans son lit qu'elle ouvre. Il se doute encore moins de ce qui se cache dans son coeur. La voix d'ange au creux des tympans avant le hurlement, il sursaute, la sueur perle presque sur le front quand les draps sont jetés dans les airs. «QUOI QUOI ?»Et quand il réalise que ce n'est qu'elle, qu'il n'y a aucun danger aux alentours, il retombe contre le matelas, le coeur sur le point d'exploser. «Hana god...ne fais plus jamais ça. J'ai cru que l'appartement allait exploser.» Il réussit à se redresser, la main passante dans les cheveux jusqu'à réaliser sa tenue, le torse dénudé, il rabat le drap sur lui, rouge comme une pivoine.«Pardon...»

Enfin, Insu était réveillé. Il avait l’air encore à moitié endormi, mais c’était largement suffisant pour ce qu’elle s’apprêtait à lui dire. Et bah heureusement que ton appartement n’est pas en train d’exploser, sinon tu serais mort, répondit-elle d’une voix taquine. C’est ta faute aussi, tu mets toujours trois plombes à te réveiller. Et puis… c’est largement plus drôle comme ça. Tu verrais la tête que tu fais, c’est à mourir de rire. Spontanément, Hana se mit à rire. Elle savait son ami somnolent et certainement encore très secoué par son réveil brutal, mais ça ne l’empêcha pas d’en rire aux larmes. Et pendant qu’elle riait, Insu s’empourprait davantage d’un rouge pivoine. Quoi ? Ne me dis pas que tu es gêné ? demanda-t-elle entre deux gloussements. Voyons Insu, ce n’est pas la première fois que je te vois nu comme un ver. Et je sais à quoi ressemble à un homme maintenant... À nouveau, elle explosa de rire, voyant l'expression de son malaise se dessiner sur son visage. Je rigole Insu ! Détends-toi, le taquina-t-elle une dernière fois. Bon moi j'ai faim. Je vais prendre un petit dej, t'en veux un ?

Elle est la force dont il a besoin. Le torrent, le feu qui n'a pas peur de vivre, bien qu’elle peut-être naïve par moment, elle est belle à voir vivre dans ses folies et c'est tout ce dont il avait besoin, un nouveau souffle de vie. «Oui...mais doucement Hana, wow, ok.» Les mots qui échappent devant ce moulin à parole, le sourire fin sur les lèvres de la voir s'agiter. Ce qu'elle rit fort, mais c'est beau. Comme quand on était petits tu vois. Ça n'empêche pas le rouge sur ses joues, In su pas habile, pas à l'aise dans sa tenue d'Adams. Il en restera toujours de même. La réplique qui suit, lui fait froncer les sourcils en imaginant ce qu'il avait pu se passer durant son rencart en secouant vivement la tête, le corps tendu. «Je suis pas gêné, stop. Et non, tu bouges pas, je vais nous préparer un truc à tous les deux.» Le gentleman qui reprend de son ardeur, mais la maladresse s'y met aussi de la partie à se relever trop vite et s'emmêler contre les draps en se retrouvant face contre le sol, aie. Il se relève aussi vite, attrapant les premiers vêtements pour s'enfermer dans la salle de bain. «Touche à rien Hana stp, je tiens à le préparer.» In Su, jamais vraiment autoritaire, même quand il le voudrait, avec la voix qui tremble encore dans la gêne.

Hana regarda Insu disparaitre de la pièce, toujours avec ce même sourire moqueur accroché à ses lèvres. Elle fit finalement tomber le masque lorsqu’elle se retrouva enfin seule. Aaah, soupira-t-elle, l’air exténué. À vrai dire, Hana était fatiguée de jouer cette comédie malsaine. Elle était aussi découragée à l’idée de devoir contrôler ses sentiments à la moindre interaction de sa part. Et elle était surtout triste de ne pas pouvoir lui parler de ce qu’elle ressentait réellement. Mais elle n’avait pas d’autre choix. Elle ne tenait pas à le perdre ; elle ne s’en remettrait pas. Alors, elle noyait au plus profond de son âme toutes ses émotions naissantes qui, quelques fois, laissaient place à des rêves ou de vaines espérances. Épuisée, elle se laissa tomber sur le lit. Elle ne songeait plus qu’à une seule chose : dormir. Parfois, lorsque ses yeux se fermaient, elle pouvait apercevoir le visage d’Insoo. Elle se demanda alors s’il allait être triste de ne pas la voir à ses côtés à son réveil, et s’il l’appellerait. Mais il était encore trop tôt pour penser à tout ça. Hana avait besoin avant toute chose d’une bonne douche et d’un café bien corsé. Oui... je lui enverrais un sms à mon réveil, se dit-elle, avant de s’endormir.

Maladresse insurmontable, il tente encore de se calmer dans la salle de bain, enfilant enfin ses vêtements pour se sentir mieux devant elle. Il ignore beaucoup trop de choses, comme tout ce qui traverse son esprit à l'instant, alors qu'il s'emporte de son côté sur la rougeur de ses joues. Il y a un jeu de mascarade qui se joue dans cet appartement. Et il est naïf quand pourtant il analyse si bien et que rien ne lui échappe. Le jeu d'échecs est vraiment un nuage de fumée. Il sort enfin de la pièce relâchant.«Ok, je commence.» Mais ce silence qui l'accueille, la tornade s'est endormie dans le lit. Il s'avance délicatement vers le matelas, sourire aux lèvres. La vengeance n'est non loin dans son coeur. Taquineries enfantines qu'il lui revient en tête. On pourrait retourner quand tout était plus simple. Il rabat d'un coup le drap contre elle, pour l'enfermer, tels un saucisson et la garde emprisonnée dans ses bras, en rigolant de bon coeur. «C'est dangereux de laisser tomber les armes comme ça madame Ji, vous êtes maintenant prisonnière.» Il se met à la chatouiller à travers le tissu, sans gêne et pitié.

En l'espace de quelques secondes seulement, Hana s'était assoupie. Elle avait même commencé à rêver. Dans son rêve, des images d'Insoo et Insu lui apparaissent. Elle devait faire un choix entre les deux hommes, mais elle ne parvenait pas à s'y résoudre. Alors, tous deux disparurent, laissant Hana profondément seule. Lorsqu'elle se réveilla, elle fut à la fois surprise et soulagée de voir Insu. Elle eut même envie de le prendre dans ses bras, et confirmer que tout ça n'était qu'un mauvais rêve, mais elle en fut incapable. Elle était à présent emprisonnée, de la tête aux pieds, entre ses bras. Et ce n'était pas pour lui déplaire. Bien au contraire ! Mais elle ne supportait pas les chatouilles ni cette proximité qu'elle avait avec lui, alors qu'elle parvenait à peine à contenir les battements de son cœur. Lâche-moi, ordonna-t-elle dans un éclat de rire. Tu sais très bien que je suis très chatouilleuse et que je déteste ça ! Insu ! Tu vas me le payer ! Rapidement, mais non sans efforts, Hana se faufila entre les draps et bondit du lit. Prends ça ! hurla-t-elle avant de lui balancer son coussin en pleine tête.

Les taquineries au rendez-vous, il ignore dans quel labyrinthe elle est tombée dans ses pensées, voyageant entre deux hommes dont lui-même il est le personnage de l'un deux. Il refuse de la lâcher, la gardant encore plus près de lui, rigolant comme un enfant, appréciant la légèreté qu'il n'avait pas sentie depuis le début de la semaine. C'est qu'il se torture avec ses études chaque seconde pour s'offrir la vie rêvée.«Tu vas faire quoi petit monstre ?» Mais trop tard elle se défile jusqu'à recevoir un coussin en plein visage. Il en reste estomaqué un moment, le rire encore si fort. «T'as osé ?» Il se relève, observant autour comment gagner, la compétition qui prend le dessus, le stratège qui pense aux différentes tactiques, jusqu'à la coincer dans un coin de l'appartement et la faire basculer son dos pour qu'elle ait la tête par en bas et qu'elle demande grâce. «Je te tiens.» Il est beau le bonheur à voir dans l'appartement, le soleil si fort et si grand. Et si seulement c'était ainsi pour toujours.

En avant, en arrière, Hana s’agitait dans tous les sens. Elle cherchait à lui faire perdre son équilibre, mais ses manoeuvres répétées n’aboutèrent pas. Insu ! T’as pas honte ! Traiter une princesse comme un vulgaire sac à patates ? Je te jure que dès que je serais descendu, je vais te le faire regretter, dit-elle en riant, tout en s’efforçant de garder son sérieux. Malheureusement c’était plus fort qu’elle. Hana ne pouvait pas s’en empêcher. Elle riait. Elle riait si fort et de toutes ses dents. On pouvait entendre son rire résonner dans les couloirs du bâtiment. Mais Hana s’en fichait. Elle était heureuse. Et son rire n'était ni plus ni moins que l’expression de sa joie. Alors qu’importe si son hilarité réveillait tout le voisinage, tant que le reste suffisait à son bonheur. Bon allez, ça suffit ! Assez rigolé ! Brusquement, Hana se bascula plus fort. Elle sentit son corps basculer et Insu avec elle. Et en un rien de temps, ils se retrouvèrent tous les deux à plein ventre sur le sol. Aïe ! Hana se cogna la tête conte un meuble. Légèrement sonnée, elle se redressa, cherchant Insu du regard. Il était étalé de tout son long à côté d’elle. Fort heureusement, il n’avait rien. T’es vraiment stupide ! Tu aurais pu te faire mal, fit-elle remarquer, légèrement agacée par son imprudence. Tu n’as rien au moins ? Spontanément, elle posa ses mains sur son visage, cherchant une bosse ou une quelconque entaille. Elle sentit ses joues s’embrasser lorsqu’elle se rendit compte de son geste. Et crut même entendre son coeur s’arrêter. Subitement, elle se leva et lui fit volte-face. Hana n’avait pas envie qu’il la voit dans cet état ni qu’il l’interroge à ce sujet. Elle devint nerveuse rien que d'y penser. Bon, on va déjeuner ? Ce combat m’a donné faim.