Il s'agissait d'une journée comme les autres pour nabi. elle avait passé la plus grande partie de sa journée à éditer un vidéo qu'elle allait bientôt mettre en ligne sur sa chaîne youtube. à défaut de ne pas savoir quoi faire de son existence, nabi avait créé cette chaîne pour s'occuper. parce que s'ennuyer ne faisait pas parti de sa vie. elle détestait l'ennuie, trouvant toujours un truc à faire. après avoir passé de longues heures devant son écran, elle quitta son petit logement et se promena dans la ville. elle se trouva bien vite dans le quartier naksan. un quartier connu pour être accueillant. nabi y allait souvent. toujours curieuse de découvrir, nabi connaissait cette ville pratiquement par coeur. après tout, elle y vivait depuis plusieurs années. elle n'avait même plus de souvenirs de sa vie à new-york. de lointain souvenirs qui n'ont pas refait surface. dans un sens, c'était sans doute mieux. nabi continua de se promener, mais elle avait l'étrange sensation que quelqu'un la suivait. la demoiselle regarda autour d'elle et remarqua alors un jeune homme qui la regardait. nabi se demandait de qui il s'agissait, puisqu'elle ne le connaissait même pas. d'un pas décidé, elle alla le rejoindre. toutefois, plus qu'elle s'approchait, plus elle remarquait sa beauté. nabi n'était pas nerveuse, mais, devant un aussi beau garçon, comment rester calme? — peut-être que je suis folle de penser cela, mais j'ai l'impression que tu me suis. je ne pense pas me tromper, mais on ne sait jamais... elle se rappela alors qu'elle l'avait déjà croisé à d'autres endroits, sans jamais lui parler. — ne dit rien. maintenant, je sais que tu m'observes depuis un moment. j'aimerais savoir pourquoi.

Taeho était un homme de routine, dédié aux mêmes chemains et aux mêmes paroles afin d'en arrondir les angles; prudent face au tranchant des imprévus. Pour quelqu'un qui avait des comptes à rendre, son attachement à ses habitudes avait quelque chose de provocateur. Un jour viendrait où une figure s'imposera sur son chemin d'un pied ferme, prêt à récupérer son dû. Un visage inconnu et sévère qui se démarquerait du reste. Celui qui capta son attention ce jour-là, il commençait déjà à bien le connaître. Au détour d'une ruelle, à travers la vitrine de son restaurant ou encore dans l'espace saturé des transports en commun, elle semblait soudainement partout. Des traits délicats que l'on ne saurait ignorer et des bribes de personnalité dévoilées par des actions anodines, et Taeho s'était éprit d'un drôle d'attachement pour cette inconnue. Pendant une seconde irrationnelle, il s'était demandé s'il s'agissait d'un signe de l'univers; s'il y avait quelque chose d'exceptionnel à y trouver. Tant qu'il ne s'approchait pas trop, il laissait cette réponse en suspens, protégée et illusoire. Ce n'est que par simple hasard qu'il lui emboîta le pas, se dirigeant dans la même direction tandis qu'il rentrait chez lui. Lorsqu'elle se retourna subitement pour rencontrer son regard, il se stoppa net en pleine rue. Lorsqu'elle s'approcha de lui, il considéra le mérite de prendre les jambes à son cou et changer d'itinéraires à jamais. S'il s'était plus ou moins attendu à sa remarque - la subtilité n'avait jamais été son fort - les sous-entendus de la chose le laissèrent rouge de honte.  « Non je— c'est pas comme ça, vraiment » bafouilla-t-il en levant les mains, paumes en évidence, comme le pire des pêcheurs. Il les leva jusqu'à son visage, le dissimulant un instant pour taire les plaintes embarrassées sur ses lèvres. « Je ne te stalke pas» il lui semblait important de mentionner avant que des uniformes viennent frapper à sa porte. « ok, je te regarde quand je te croise mais...c'est juste que je te trouve belle?» yup, pas mieux. « Écoutes, désolé si je t'ai mis mal à l'aise, c'était pas mon but » continua-t-il, désespéré de se défaire d'accusations encore non verbalisées.  

Nabi avait entendu trop d'histoire sur les jeunes demoiselles qui se font suivre par des hommes étranges et qui leur arrivaient du mal. Elle ne voulait surtout pas être comme ces filles. La jeune femme faisait donc attention et ne discutait jamais avec les hommes qui semblaient étranges. En même temps, les apparences pouvaient être trompeuses. Nabi ne pouvait jamais savoir comment était les gens. Alors qu'elle profitait de cette journée pour se promener et faire quelques commissions, elle remarqua qu'un jeune homme l'observait de loin. De l'endroit où elle était, Nabi ne pouvait pas savoir de qui il s'agissait. Sans doute un simple inconnu. Elle décida donc d'aller à sa rencontre et découvrir ce qu'il se passait. Alors qu'elle s'approcha et arriva près de lui, Nabi constata qu'il s'agissait de la même personne qui la suivait depuis quelques jours. Ça lui donnait froid dans le dos. Pourquoi la suivait-il comme ça? S'il voulait lui parler, il n'avait qu'à le faire. Nabi n'allait quand même pas lui faire du mal. Elle n'était pas ce genre de personne. Il lui avoua alors qu'il ne la stalkait pas. Il avoua ensuite qu'il la regardait, quand il la croisait et qu'il la trouvait belle. La jeune femme ne savait plus du tout quoi dire et où se placer. Il la trouvait vraiment belle. Nabi l'observa de la tête aux pieds. Il était beau. Il dégageait quelque chose de spécial. — Disons que je me demandais pourquoi tu me suivais. Mais... merci pour le compliment. La demoiselle ne pensait pas qu'elle devait avoir peur de lui. Il semblait gentil. — Et puis-je connaître ton nom? Question de mettre un nom sur ton joli visage.

La honte, telle une substance poisseuse et lourde sur son épiderme. L’accusation de la jeune femme lui donnait envie de fuir, désespéré de s’éloigner physiquement de l’idée qu’elle se faisait de lui. Qu’on puisse le prendre pour un prédateur, le genre d’homme à suivre une jeune femme dans la rue à des fins malsains, lui donnait envie de cesser toute interaction avec le genre humain. Était-ce sa faute s’ils fréquentaient les mêmes endroits régulièrement et qu’il laissait un peu trop son regard traîner? Il n’était qu’un homme faible après tout, et l’appréciation à distance ne lui avait pas semblé si terrible jusque-là. Jusqu’à cette confrontation. La jeune femme était plutôt courageuse de l’avoir confronté de la sorte, ne sachant pas ses véritables intentions. Il aurait tout aussi bien pu se faire hurler dessus, traité de tous les noms et menacé d’un passage au commissariat. Au lieu de ça, elle se contentait de le questionner avec suspicion et c’était tant mieux. La vérité sur ses lèvres semblait tout de même gênante une fois verbalisée, et qu’elle le remercie pour son compliment relevait presque de l’absurde. « De rien? », répondit-il, décontenancé. Elle méritait au moins son nom en compensation, mais Taeho se demanda s’il ne s’agissait pas d’une tactique pour l’identifier et l'humilier plus tard sur la place publique. Après tout, il ne savait rien non plus sur elle. « Et je ne te suivais pas! » insista-t-il, désespéré de se défaire de cette étiquette de stalker. Qu’elle se mette à son tour à complimenter son physique lui fit l’effet d’un coup de fouet. Ca en devenait presque suspect, mais il lui devait bien ça. « Je m’appelle Taeho » dit-il en tendant une main. « On oublie mon attitude étrange et on recommence? » proposa-t-il dans une moue expectative.

Elle avait vraiment eu l'impression qu'il la suivait. À chaque fois qu'elle se rendait quelque part, il était là. Peut-être qu'il s'agissait d'une coïncidence, mais c'était quand même étrange que ça soit aussi souvent. Nabi n'avait pas forcément peur du jeune homme. Il paraissait bien et semblait gentil, mais les apparences pouvaient être trompeuses. En même temps, Nabi avait envie d'en savoir plus sur lui. Pourquoi ses pensées étaient-elles aussi contradictoires? Elle pensait un truc et, après, elle pensait à un truc complètement différent. La jeune femme accepta le compliment de l'inconnu. Se faire dire que nous sommes belle faisait toujours plaisir. Nabi aimait recevoir des compliments. Comme la plupart des gens. Du moins, c'était ce qu'elle pensait. Il était également plus grand qu'elle le pensait. De loin, ça ne se voyait pas trop. Elle était minuscule à côté de lui. — Si tu le dis. Elle pouvait bien lui donner le bénéfice du doute. Ça ne lui tentait pas de s'obstiner. Elle le faisait déjà avec son frère et sa soeur. — Enchanté, Taeho. Un joli nom pour un joli visage. La proposition du jeune homme intéressait Nabi. — D'accord, j'accepte. On se serre les mains? Question d'officialiser la chose.

Rien ne semblait réellement avoir le potentiel de sauver une telle première rencontre. Peut être que cela allait être le début d’une amitié et qu’ils viendraient à en rire dans le futur - une anecdote cocasse et amusante à relayer en soirée - mais Taeho ressentait plutôt l’impulsion de ne plus jamais croiser son regard afin de s’épargner l’humiliation de ce moment. Il était même à peu près sûr qu’il serait frappé du réflexe absurde de se cacher s’il venait à la recroiser dans les prochains jours; ce qui semblait fortement probable vu le nombre de fois où il croisait son chemin. L’un dans l’autre, il n’avait pas d’autre choix que d’assumer les circonstances et essayer de se racheter auprès de la jeune femme. Indulgente, elle lui laissait miroiter une forme de pardon; prête à croire ses seules paroles pour lui ôter cette étiquette de perversion. Et la demoiselle lui réservait un énième acte de bonté : plutôt que de le laisser comme un idiot la main tendue dans le vide, elle accepta sa drôle de proposition de repartir sur le bon pied. Ce qu’elle avait à y gagner, il n’en avait pas la moindre idée, mais il n’allait certainement pas prendre le risque de la vexer en verbalisant la chose. « Enchanté également. Merci de me donner une deuxième chance! » dit-il en lui serrant la main. Ça le démangeait de lui dire qu’elle ne devrait pas croire les hommes sur parole, mais loin de lui l’envie de lui faire reconsidérer le fait qu’il soit un gars dont il faudrait se méfier. « J’ai le droit à un nom ou je dois encore le mériter? ».