Sarang adore les chiens et les chats × Il stresse tellement quand il doit lire à voix haute que ça le fait bégayer × Il fantasme sur les tenues militaires × Les enfants et les bébés le font craquer × Il déteste tout ce qui est acide × Il se croit beaucoup plus bête qu’il ne l’est × Il adore les balades en forêt, ou courir sur la plage × Il dort mieux quand il y a quelqu’un dans son lit

Si certains naissent avec une cuillère en argent dans la bouche, pour d’autres, ce serait plutôt une cuillère d’eau de javel. Quand la police est entrée dans cet appartement d’un quartier difficile, après plusieurs plaintes du voisinage pour mauvaises odeurs et tapages, ils ont découvert un endroit repoussant. La vermine grouillait sur le sol et les meubles couverts de détritus, de nourriture pourrie et de déjections. Dans ce capharnaüm vivaient un couple de drogués, deux chiens et trois enfants. Sarang avait moins de six ans à ce moment-là, il était trop petit, mal nourri, portait encore des couches, dormait à même le sol et connaissait à peine quelques dizaines de mots.

Il fut le premier à être adopté, par la famille Hwang. Ces nouveaux parents gagnaient bien leur vie, ils avaient tout ce dont ils pouvaient rêver, sauf un enfant. Autant dire que l’arrivée de Sarang les combla, mais ils se rendirent vite compte que leur fils était en grande difficulté. Il piquait des colères, ne supportait pas le bruit et la lumière, dormait très mal, manquait de concentration, etc. Au début, les médecins disaient tous que les retards du petit garçon étaient normaux au vu de son histoire. Ils durent vraiment insister pour que finalement, vers ses huit ans, un diagnostic tombe. Sarang souffrait du syndrome d’alcoolisation fœtale. Ce qui expliquait son retard de développement et d’apprentissage, ainsi que tous ses autres problèmes.

D’aussi loin que Sarang se souvienne, ses parents adoptifs, ses seuls vrais parents plutôt, se sont toujours battus pour lui. S’ils entendaient parler d’un spécialiste, d’une méthode d’accompagnement, ou de n’importe quoi qui puisse l’aider, ils fonçaient sans se préoccuper des distances ou des coûts. Ils avaient aussi tout fait pour que Sarang entre dans une école privée renommée. Le problème, c’est que même avec du soutien scolaire, des orthophonistes et tout le reste, son niveau était tout juste moyen. Il se retrouva vite affublé de la réputation d’idiot incorrigible par les autres élèves, sans parler des professeurs pour qui il était trop agité et peu concentré pour s’améliorer.

Il n’y avait que le sport qui lui réussissait, il était bon dans tous les sports qu’il essayait. Quand il utilisait son corps plutôt que sa tête, tout devenait clair, fluide, instinctif. C’était aussi grisant de voir les gens le respecter, ou même l’admirer, pour quelque chose.

L’adolescence fut une période mouvementée, Sarang ne faisait plus tellement d’efforts à l’école, parce que les résultats ne suivaient pas de toute manière. Il était en colère, aussi, contre sa mère biologique, contre les enfants plus intelligents que lui, contre ceux qui découvraient l’amour avec les filles alors que lui devait cacher qu’il aimait les garçons. Il devint le chef d’une clique de sales gosses, parce qu’il était le plus bête et le plus fort d’entre eux. Du moins, c’est comme ça qu’il le voyait. Avec ses « amis », il trainait dehors et malmenait les autres enfants. Cela dura jusqu’à ses quinze ans, quand la mère d’une fille qu’il harcelait est venue se plaindre à la sienne.

Il se prit la plus grosse gifle de sa vie ce jour-là, et devant le regard déçu de ses parents, il céda. Les larmes inondèrent son visage sans qu’il ne parvienne à les arrêter, et entre les hoquets et les sanglots, il fit remarquer à ses parents qu’ils devaient regretter de ne pas avoir choisi un autre enfant. C’est seulement en les entendant dire qu’ils n’en voudraient pas d’autres pour tout l’or du monde que la colère de Sarang diminua enfin.

Finalement, Sarang parvint à obtenir un diplôme professionnel en cuisine, puis, à dix-huit ans, il fit son service militaire dans l’armée de l’air. Une période qu’il a plutôt aimé si on omet toutes les règles à respecter, les grades et les ordres. En revenant à la vie civile, il commença par être chauffeur de taxi, et compensait ses longues heures à rester assis en faisant beaucoup de sport. Il rejoignit un club de MMA, en plus de faire du jogging et de la musculation. Il changea ensuite pour devenir agent de sécurité, puis videur de boîte de nuit. À cette occasion, il se fit beaucoup de relation dans le monde de la nuit. Essentiellement des hommes, évidemment.

C’est fou toutes les promesses que les gens pouvaient faire sur l’oreiller. La plupart du temps, ce n’était que du baratin, mais parfois certains tenaient parole. On lui offrait des bijoux et des vêtements, des balades en bateau, ou en avion, il fit même du saut en parachute. Sarang ne demandait rien, et ne se voyait comme un gigolo, même si c’était sûrement ce que d’autres penseraient. Il aimait le sexe et il aimait la vie, tout ça n’était qu’une façon de profiter encore plus.

Quand un homme qui aurait pu être son père laissa entendre qu’il pouvait faire de lui un idol, il n’y crut pas du tout. Après tout, il avait déjà l’âge avancé de 24 ans, c’était un peu tard pour se lancer. Il se présenta tout de même à l’audition et, surprenamment, il fut sélectionné. Après ça, il dut mettre les bouchés doubles pour rattraper le niveau des autres, mais ça lui plaisait bien. De toute façon, il adorait bouger en général. Il fit encore plus d’efforts quand, quelques mois plus tard, son sugar daddy fut obligé de donner sa démission à cause des relations qu’il entretenait avec certains de ses protégés.

Maintenant âgé de 26 ans, Sarang s’est fait sa place dans le milieu et personne n’irait remettre en cause sa légitimité. La seule chose venue le perturber récemment est une lettre qu’il a reçue de sa mère biologique. Il ne sait pas comment elle l’a retrouvé, ni si elle avait le droit de le contacter. En tout cas, elle est sortie de prison et veut maintenant le voir. Il ne lui a pas répondu, et ne sait pas s’il le fera. Même si ses retards et ses problèmes ne sont plus aussi visibles que quand il était enfant, Sarang paiera toute sa vie pour les erreurs de sa mère. Et ça, il n’est pas sûr de pouvoir le pardonner.