bitter sweet elle n’a pas le sommeil paisible sooah. il y a toujours un coin de son esprit qui s'agite, cogite, brasse quelques pensées dans une embardée de neurones. elle médite. beaucoup de formules s'esquissent à cette altitude, sans aucun ordre, dans des formes abstraites qui ne veulent rien dire - un peu comme ces brouillons d'enfant dont les lignes s'entremêlent dans un joyeux fouillis coloré. ce sont des idées abstraites mêlées à des équations concrètes à même la matière grise. sa tête oscille dans la brume de son inconscience, suit la course d’une épaule pour finalement s’achever sur du vide. le mouvement est brusque - plus qu’elle ne l’aurait pensé, si bien que la sensation l’extirpe de sa torpeur, paupière battantes et lèvre entrouverte, le regard cherchant à reconstituer le décor qu’était la pièce. le jeu d’ombre et de lumière, le corps avachit auprès du sien - quel film avait-elle exiger de voir avant de prendre sommeil déjà? le film était… génial sooah, elle ne cherche pas à se rendre crédible. elle préfère revenir se blottir contre le corps de jieon, le nez enfouit contre son épaule. elle n’avait pas été aussi tranquille depuis sa sortie de l’hôpital et à défaut de pouvoir chasser ses cauchemars, son meilleur ami parvenait au moins à éloigner les inquiétudes maternelle et l’avalanche de questions qui l’accompagnait. tu crois qu’on peut commander quelque chose? Ou j’ai dormi toute la soirée et tout est déjà fermé?

bitter sweet home — ainsi est la sensation que sooah lui procure, lorsqu'elle est là, collée à lui, feignant de suivre un film à ses côtés alors que la fatigue la submerge jusqu'à ce que l'onirisme l'emporte. elle est un point de stabilité dans la vie de jieon et même s'il ne sait plus trop où il se positionne dans sa vie, il sait que sooah sera toujours là. c'est aussi effrayant qu'exaltant. ne mens pas, tu as ronflé la moitié du film, plaisante-t-il, sa main venant se poser naturellement dans ses cheveux ; comme une caresse de tendresse avant l'ouragan qu'il sent proche (son père). il est pas si tard, je pense qu'il y a encore des restaurants d'ouverts. ça ne sera pas de la haute gastronomie mais la faim grogne aussi en lui. ses yeux ne ciblent pas son écran et il scroll de fatigue, entendant à peine la porte d'entrée s'ouvrir pour laisser entrevoir un dojin tout aussi épuisé. il lève les yeux paresseusement vers son colocataire : hey dojin, on allait commander un truc, t'as déjà mangé ? question amicale alors qu'il ressent l'atmosphère se refroidir. jieon est lassé de leur guerre enfantine dont aucun des deux ne veut parler.

Dojin était fatigué. Il avait passé la soirée en compagnie de sa fiancée et ses parents. Durant toute la durée du repas, il avait joué au parfait gendre et souri à chacune des répliques de ses beaux-parents. Il avait finalement fait tomber le masque lorsqu'il les quitta, feignant un mal de ventre et une migraine carabinée. Étrangement, il se sentait mal de leur avoir menti de façon si éhontée, mais il n'aspirait qu'à une seule chose : rentrer chez lui et se reposer. Lorsqu'enfin il regagna son appartement, il poussa un long et profond soupire de soulagement. Il allait pouvoir prendre un bain, se détendre et oublier l'affreux épisode qu'il venait de vivre. Du moins, c'est ce qu'il pensait avant d'apercevoir Sooah dans son salon en compagnie de Jieon. Instinctivement, il sentit un violent brasier le consumer. Il avait à la fois envie d'hurler de colère et pleurer toute sa frustration. Mais il n'en fut rien. Dojin ne cria pas ; il ne pleura pas. Il n'en avait pas le droit. Et il avait surtout promis à Sooah de faire des efforts. Il se contenta alors d'une réponse brève. Manger ? Oui j'ai déjà mangé, répondit-il d'un ton un peu trop abrupt. Je ne savais pas que tu serais là Sooah. Qu'est-ce que vous faisiez ?

@Yu Sooah & @Yi Jieon