jamais de toute sa carrière de musicien sunwoo avait imaginé rencontrer le syndrome de la page blanche. d’habitude il s’entoure beaucoup pour puiser son inspiration dans les autres
-sa propre vie, ses propres expériences étant jugées peu intéressantes par lui même, drôle de perfectionniste- et ainsi espérer pouvoir trouver un thème, des mots, des sentiments pouvant l’aider à composer. mais là,
rien. le néant complet. après avoir froissé et gribouillé sur une quantité astronomique de papier, le garçon doit se rendre à l’évidence :
il doit sortir. vider sa tête pour se la remplir d’idées nouvelles, de tonalités encore jamais explorées.
il est accompagné par ses deux servals qu’il tient en laisse,
félins étranges appréciant se promener et agir comme des canidés. les écouteurs sont vissés dans ses oreilles et, le temps de son trajet, le jeune homme écoute et réécoute le morceau qui le fait tant
buter. il pourrait demander de l’aide à ses amis, aux membres de son groupe de musique mais la peur de dévoiler son projet musical personnel freine ses ardeurs. waste a toujours été son
exutoire, ce jardin secret qui lui permet une expression libre et sans craindre d’être jugé, critiqué ou même reconnu. ce chemin de croix doit rester ce qu’il est depuis tout ce temps : la forme la plus accessible de la psyché de ce soleil qui peine à briller.
la météo particulièrement clémente permet à toute la petite troupe de s’installer dans un coin du yecheon central park. les deux félins entament leur expédition afin de combler leur curiosité quant au nouvel environnement et le musicien s’assoit dans l’herbe. il retire ses écouteurs, glisse une main dans sa chevelure bleue et commence à se concentrer. ses yeux se posent sur tout et rien à la fois, curieux lui même, il observe calmement des groupes de gens passant au loin, offre un sourire à ceux qui dévisagent les deux servals. rien ne semble pouvoir briser la sérénité de l’instant. rien, sauf un
cri qui retentit soudain.
" un gué- un guépard ! " les cheveux de sunwoo se redressent sur sa nuque, pour en avoir déjà fait l’expérience à de nombreuses reprises, il sait tout de suite que l’on parle de l’un de ses félins. un coup d’œil à sa droite pour constater que le serval mâle est allongé dans l’herbe à côté de lui, le jeune homme ne peut s’empêcher de lâcher un grognement de désespoir. encore un coup de
sekhmet. il se redresse rapidement et s’empresse d’approcher la personne qui venait de crier. ses yeux sont fixés sur la femelle serval qui semble avoir un malin plaisir à tourner autour de la figure inconnue, manœuvre habituelle quand elle
cherche de l’attention pour jouer. et pour mettre fin au sentiment de panique générale qui s’étend non seulement à la première victime mais aussi aux passants juste à côté, le jeune homme s’accroupit et réceptionne le félin dans ses bras.
" elle n’est pas dangereuse " assure-t-il alors à la personne concernée.
" c’est une serval encore un peu jeune qui aime rencontrer de nouveaux partenaires de jeu, et qui s’amuse un peu trop à mon goût à se faire passer pour un grand prédateur... " la fin de sa phrase est directement adressée à la boule de poils lovée contre lui,
petit monstre.
" je suis désolé si elle vous a effrayée. "