Les aléas sont souvent les mêmes, à arpenter les couloirs et la même direction. Et dernièrement, il la croise un peu trop souvent, l'esprit qui déraille. C'est sans doute parce qu'il n'a plus l'habitude de personne ou presque, loup solitaire, à écouter les cours un par un dans sa bulle. Elle intimide l'inconnue, bien plus intrépide que l'homme aux vêtements toujours bien placés. Mais le monde ne tourne pas autour de toi In Su et c'est pathétique d'y croire de cette façon. Il fait quand même volte-face trop rapidement pour regarder au-dessus de son épaule encore une fois, jusqu'à ce que la brune lui fonce dessus. Le soldat qui recule beaucoup trop vite, aussi, à tanguer sur ses pieds un peu aussi, froncer les sourcils.«Tu me suis ?» Question beaucoup trop directe, au ton pourtant assez doux et peu confiant sur le coup. C'est la beauté qui intimide toujours, le sexe opposé, tout simplement, et quand il n'est pas dans ses meilleurs apparats.

Pause mérité. Elle se dirige à présent vers la cafétéria, le ventre gargouillant presque à la simple idée de mettre un peu de riz dans sa bouche. Pourtant, elle prend son temps dans les couloirs, son regard jonglant entre l’écran de son téléphone et les quelques messages qui attendent réponse de sa part et le chemin devant elle - concentration fragile, c’est alors normal, à ses yeux, qu’elle tombe au sol lorsqu’elle rencontre la musculature d’un dos qui lui est encore inconnu. Oh, elle n’est pas agacée, au contraire, elle se trouve bien sotte, mais l’embarras est de courte durée. Elle n’a pas le temps de dire le moindre mot qu’elle se sent déjà agressée, victime ou coupable, la voilà perdue dans le chaos incertain. « Quel égo surdimensionné. » prononce-t-elle sèchement. « Je ne sais même pas qui tu es, pourquoi veux tu que je te suive ? T’es une célébrité ou quelque chose dans le genre ? Franchement, ta tête ne me dit rien désolée. » Elle est agacée maintenant. « Tu m’aides ou je reste planté au sol ? » Crétin jusqu’au bout ou a-t-il un minimum d’estime envers elle ? Elle qui pourtant était prête à se fondre en excuses, fautive.

Elle a raison, son égo est trop grand au moment présent dans la parano d'un homme qui ne lui ressemble presque pas au fond. À vouloir les hautes sphères, il s'imagine mille ennemies dans le coin, tout aussi vorace les uns que les autres. En commençant par la poupée qui n'a rien demandé, dont il ne connait rien, ni d'Adams ni de Ève. Il fige sur le coup, les rougeurs qui agressent les joues, à même sentir la sueur de honte faire coller les tissus des vêtements sur la peau. «Mon dieu...» Alors, il se penche vers elle, tendant la main rapidement, à en oublier le seul livre qu'il en a main, qui glisse contre le sol, tout près d'elle. La pivoine redouble, mais il tend encore la main, gentleman comme il est de base. «Je me suis trompé de personne.» Qu'il se confond en excuse quand enfin elle revient sur ses pieds. Il tire sur le collet de la chemise pour faire passer l'air et récupère le livre. «Pardon, vraiment pardon.» Ranger le jeu d'échecs pour le moment et filer vite vers la cafétéria de nouveau en replaçant ses cheveux, piquet qui se déambule.

Peut-être qu’elle est un peu à cran - c’est la remarque qu’elle se fait lorsqu’il se fond en excuse, l’aidant gentiment. Elle quitte le sol, regardant le livre du garçon tombé lui aussi. Elle était prête à le lui rendre, mais il l’a devance et s’envole un peu plus loin. Conversation de courte durée - si on suppose que s’en était une - c’est un peu dommage, la première impression qu’elle lui laisse - et lui - est maladroite. Faute de compréhension, les malentendus semblent nombreux en à peine quelques secondes. Alors la voilà, Aori, au milieu des autres qui ne se préoccupent que de leurs nombrils, légèrement sceptique à propos de cette rencontre chaotique. Elle hausse les épaules pourtant, poursuit sa route vers la cafétéria et le surprend à nouveau, face à elle. De ses frêles mains, elle tapote son épaule, sourire aux lèvres. « Je m’excuse. » chuchote-t-elle. « C’est de ma faute si je t’ai foncé dedans, j’avais les yeux occupés ailleurs. Le téléphone, c’est diabolique. » Elle regarde les plats qui se dressent devant leurs yeux. Son ventre gargouille encore. « Je m’appelle Im Aori. » Qu’elle lui annonce en tendant sa main fièrement.

Il comprend sa colère, il n'a jamais été capable de se tenir sur ses deux pieds convenablement et parfois les mots lui manquent. Il a l'habitude de prendre la fuite, croyant qu'il se faufile bien entre les murs et qu'il ne laisse pas vraiment de marque quelconque. Il sursaute quand il la reconnait, qu'elle rentre dans sa bulle avec aisance, tapotant son épaule, se présentant déjà à lui. Le rouge lui picore encore les joues, le regard se baisse un peu vers ses pieds et il replace nerveusement le veston. «J'ai sans doute exagéré.» Il regarde sa main tendue et la serre, s'inclinant un peu devant elle. «Cheon In Su.» Sourire en coin, coincé, un peu mal à l'aise, regardant de nouveau les plats en attendant son tour. Il se demande bien ce qu'elle lui veut et pourquoi elle revient à la charge si heureuse. Il est bousculé et surpris, mais le contact n'est pas désagréable pour autant.

Ce qu’elle cherche à faire en s’avançant vers lui ? En lui tapotant délicatement l’épaule et en se présentant ? Pas grande chose - - sinon bien paraître devant lui lorsqu’ils se croiseront à nouveau. Aori a toujours été ainsi, proche des autres dans l’unique but d’être bien vu. Sincère à souhait, mais il est certain pourtant qu’on lui donne cette image d'hypocrite lorsqu’elle n’est plus dans les parages. Après tout, il est difficile d’être apprécié de tout le monde, mais elle espère et se donne toujours à fond à ce propos, se pensant incroyable et bien entouré - il n’y a pourtant que des vautours, ou presque. Et c’est dans cette même optique qu’elle tend sa main, sourire accroché aux lèvres. « Enchantée de te connaître Cheon In Su. » qu’elle souffle joyeusement. Ses yeux dérivent peu après vers les autres personnes présentes près d’eux, mais aucun ne semble être avec lui. Alors elle hausse les épaules et, tout en prenant un plateau, elle soumet d’autres mots, plus improbables encore que tous ceux qui ont existé entre eux jusqu’à présent. « Personne ne te rejoint ce midi ? On mange ensemble ? » propose-t-elle sans gêne, aucune.

Il se demande parfois s'il arrive encore à faire de nouvelles rencontres. S'il arrive encore à être humain en quelque sorte. La présentation est toujours maladroite et difficile, mais elle est pourtant sincère, au moins il essaie. Il vaudrait tout de même éviter le genre d'agression qu'il lui a imposé dans les couloirs. Les présentations faites, elle semble avoir tout oublié d'un seul coup, la joie sur les lèvres qui le fait sourire aussi, le rouge encore aux joues, la main qui se passe contre sa nuque. C'est qu'elle est drôlement surprenante. «Euh...oui, pourquoi pas.» Qu'il relâche enfin, les mystères pourtant plein la tête, se demandant bien ce qu'elle voit en lui au final. «Laisse-moi t'aider.» Et avant même qu'elle ne riposte, il s’empare aussi de son plateau après avoir payé pour l'aider à transporter et se diriger vers une table. Il a peur de ne pas avoir assez à dire, mais dans sa tête il la remercie de lui laisser une chance et d'apporter un peu de bonheur dans cette journée. Ça vaut la peine parfois d'être bousculé.

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Ravi qu’il accepte, elle sourit joyeusement en déposant divers plats dans son plateau. Bientôt on le lui arrache avec galanterie tandis qu’ils s’envolent tous deux en direction d’une table libre. Une fois installé, un silence gênant se pose entre eux. Aori décide après quelques secondes embarrassantes et une bouchée délicieuse de riz gluant de le rompre. « Tu étudies quoi ? Vu comment tu es habillé, je dirais droit ou sciences politiques. » Supposition fondée seulement parce qu’il porte un costume et une cravate. « J’ai ouvert un club de débat si ça t'intéresse. On parle souvent des lois mises en place et des actualités. Ça te plairait sûrement. » Ils ne sont pas nombreux, mais elle ne dit clairement pas non à de nouvelles bouilles prêtes à débattre avec assurance et convictions. Puis, la proposition ne coûte rien.

Le silence a raison d'eux rapidement, ils ne sont que des inconnus après tout, rencontrés dans des circonstances fâcheuses, Insu imaginant rapidement les pires scénarios qui n'ont pas lieu d'être. Il hausse un sourcil face à ses conclusions, amusé en posant ses bras croisés sur la table. «Tu analyses beaucoup trop vite.» dit-il dans les plus grands des sérieux, en souriant en coin en attrapant sa fourchette. «Non, parce que vu le nombre d'hommes en veston cravate en Corée, si nous étions tous dans le même domaine il aurait une pénurie quelque part.» Il prend une bouchée avant d'ajouter. «Puis, je pourrais aussi tout simplement aimer bien m'habiller.» Ce qui n'était pas complètement faux dans tous les cas. L'avocat se calme un instant. «En droit, oui, pardon. Et je pourrai peut-être passer au club.» S'il s'accepte une pause de quelques secondes, pour une fois dans sa semaine.

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Elle n’est pas certaine que ce soit de la panique, un trait d’assurance en lui ou bien un simple constat de sa part, mais elle rigole à l’écoute de ses explications loin d’être fausse. Bien au contraire, elles attirent la curiosité d’Aori un peu et elle ne peut empêcher un petit rire de voir le jour entre ses lèvres, d’autant plus lorsqu’il se trouve qu’elle a raison. « Ce n’est pas faux. » avoue-t-elle. Elle pose sa main contre sa joue, intéressée.  « Mais je me suis surtout fié à mon intuition en réalité et tu ne peux pas dire que j’ai eu tort de le faire. » Son regard croise celui de sa nourriture. Elle prend un bouchée rapidement et s’arrête aussitôt, comme si un éclair venait de traverser son esprit. « Si tu es intéressé, j’ai une carte de visite… En quelque sorte. Tous les horaires du club sont marqués dessus, n’hésite pas si tu as la moindre question. » Elle cherche un crayon dans ses affaires et note finalement son numéro de téléphone derrière la carte avant de lui en faire cadeau.